
Petit discours à l'occasion des 60 ans de Gérard Uféras, ami de talent et photographe merveilleux.
Je voudrais vous parler d’un ami photographe qui m’est cher.
Un dompteur de lumière, un pourfendeur de cliché, un tireur d’épreuve
Un ami photographe dont le point de vue vaut mille points de vie
Sur le permis de l’amitié.
Je voudrais vous parler d’un homme dont la signature sur une photo en noir & blanc
Vaut mille fois plus que tous les selfies libellés de fautes d’autograffe,
Que prennent les millions de photographes amateurs et de paparazzi mateurs
Gérard est un ouvreur de diaphragme comme d’autres sont des ouvreuses de salles obscures.
Il nous mène, avec une sensibilité et une discrétion maladive, vers la lumière d’un écran,
Révélateur de la beauté d’un geste, de l’élégance d’un mouvement et de l’émotion d’une intention.
Quand je parle Mesdames du diaphragme que Gérard déclenche au 1/125ème de seconde, Ne vous y méprenez pas, je ne parle pas de ce moyen de contraception qui tient à distance l’essence de l’autre.
Quand je parle Messieurs du diaphragme que Gérard caresse et manie, au doigt et à l’œil, je ne parle pas de ce muscle qui nous couple le souffle à chaque fois que l’on regarde une de ses photos.
Je parle évidemment de ce mécanisme optique dont seul sait user le photographe qui a un objectif sans toujours avoir un but.
Gérard qui démarra dans la vie à l’époque ou Libération n’était pas encore un journal qui se meurt, comprit très vite la puissance digitale de son index droit et la valeur de son œil adroit qui lui permettait de discerner l’essentiel.
Homme d’exception, il avait l’étoffe des rêves des plus grands mais du attendre de longues années et collectionner des milliers de clichés pour être enfin reconnu à sa juste et inestimable valeur.
Même si dès 1986 il était déjà un photographe très en VU, il du patienter et apprendre le métier.
Maniant l’argentique en attendant d’être argenté,
Certaines fins de mois furent difficiles, surtout les 30 derniers jours.
Il noya souvent son impatience et sa solitude dans des bouteilles de Mezcal,
Jetant son ver solitaire par delà l’épaule de sa jeunesse contre le mur de la bohème.
Il se consola souvent, contre le sein d’un Canon de passage ou d’une créature ni belle Nikon,
En rêvant d’une reconnaissance qui le mènerait un pas vers les étoiles…
Gérard, sans un sous mais sûr de son talent du parfois s’endormir sans manger à sa faim, avec pour seul réconfort le célèbre dicton : « Qui Dior dîne ! »
Pour assouvir son goût des horizons lointains, il parcourut le vaste monde, ce qui lui permit de faire le point sur lui-même tout en zoomant sur la beauté partout où il la rencontra, dans l’échancrure d’une robe haute couture magnifiée par son talent sur mesure, dans les étoiles filant vers les théâtres de danse les plus célèbres où il accrocha ses aspirations photographiques aux arabesques subtiles des danseuses sublimées, dans les coulisses des plus grands opéras qui l’accueillirent et lui donnèrent carte blanche pour immortaliser l’invisible et le sacré, et témoigner que des petits rats s’épanouissent dans un monde pourtant constellé d’entrechats.
Gérard, qui est le plus fervent ambassadeur du mouvement, franchit les frontières pour traquer des mannequins magnifiques sur les estrades du luxe, captant la trace des étoiles légères comme l’air d’opéra sur les scènes internationales.
Sans jamais se complaire à faire des ronds de jambes ou à perdre son âme, il mitrailla la grâce empreinte de légèreté et fixa, sur le papier glacé, l’éphémère féminité de l’art habillant des muses inaccessibles.
Pour rendre hommage à cet artiste du visuel, qu’on ne peut enfermer dans un seul cliché, l’année 1990 lui décerna le prix de la Villa Médicis hors les murs.
Si les murs ont des oreilles, nous savons aujourd’hui qu’ils ont aussi des yeux, ceux de Gérard Uféras.
Depuis 1990, la seule façon d’enfermer Gérard entre quatre murs, c’est d’accrocher ses œuvres sur le mur de nos maisons et de nos musées.
Car Gérard est résolument un ami hors norme, un homme hors les murs et, sans nul doute, un géniteur hors pair. Si vous me passez l’expression.
En 2009, la Maison Européenne de la Photographie lui rendit hommage en organisant une rétrospective de ses 20 ans de travail. L’année suivante, le célèbre théâtre du Bolchoï, pour fêter sa réouverture après 6 ans de travaux, donna carte blanche à trois immenses photographes, j’ai nommé Peter Lindbergh, Sarah Moon et l’ami Gérard pour illustrer et immortaliser ce temple de la danse mondiale.
L’image est symbolique de l’importance du rêve : l’aviateur Lindbergh qui rêve d’aller marcher sur la Moon emprunte la fusée Uféras pour y parvenir. Rendez-vous compte.
Jules Verne et Noureïev auraient mérités de rencontrer Gérard.
Mais tout cela ne serait rien à côté de la quête permanente et légitimement obsessionnelle qui anima cet idéaliste durant toute sa vie. Ce portrait serait à peine esquissé si j’omettais de parler de ce qui est essentiel et fondateur dans la vie de Gérard : la recherche de l’Amour !
Je peux d’autant mieux en parler que j’ai moi-même, durant d’inlassables années, parcouru les mêmes chemins que Gérard, en quête d’un amour plus fort que tout, d’une femme plus belle que l’amitié, d’une complice plus forte que l’aventure entrepreneuriale, d’une amoureuse plus rassurante que la paternité. Le bonheur est un état d’esprit mais l’amour est une chance. Sa recherche est un art de vivre que Gérard a transformé en art de photographier.
Je peux en témoigner car j’ai le privilège, à deux reprises d’avoir eu à mes côtés Gérard comme photographe de mes mariages. En 2003 grâce à l’entremise de mon infaillible ami Alain Mingam, immortalisant une union qui ne dura que 7 mois, à une époque où j’étais très start-up, même dans mes histoires d’amour.
Puis en 2012 grâce à la main mise de notre amitié, lors de mon magnifique mariage avec Valérie. J’avais précisé à Gérard qu’il venait en Provence comme ami et comme invité. Je lui avais interdit d’amener son appareil photo. Peut-on interdire à Jacques Mayol d’amener sa paire de palmes ? Peut-on demander Woody Allen de venir sans son humour juif ou à François Hollande sans son charisme de bigorneau ? Peine perdue. Nous eûmes des photos magnifiques qui témoignent encore d’un amour indicible.
Donc cette biographie amicale ne serait rien sans le pari fou que Gérard à fait de vouloir aimer les femmes davantage que son Leica de jeunesse, sans exposer sur la toile tendue de ses nuits blanches les visages surexposés de gens qui finiraient par s’aimer jusqu’au bout de la vie.
La Mairie de Paris ne s’y est pas trompée. Et comme vous le savez, en Amour il vaut mieux ne pas se tromper. Elle a organisé en 2010 l’exposition Paris d’Amour, à laquelle des dizaines de milliers de parisiens sont venus pour puiser leur inspiration et la force de croire en ce pari d’aimer.
Gérard, conscient de l’importance symbolique de cette exposition et de la perche que lui tendait le Maire de Paris, pris ce dernier au pied de la lettre, alors que Delanoë rêvait qu’il le prenne aux mots.
Avant de conclure, permettez-moi de souligner un petit détail qui n’est pas anecdotique. Sur la biographie qui figure sur le site web de Gérard, j’ai noté une phrase qui est, pour moi, loin d’être aussi innocente qu’elle n’y parait.
Il est écrit : « Gérard Uféras aime traiter ses sujets en Profondeur… ».
Sacré Gérard ! On ne se refait pas même quand on se reproduit.
Tom et Fanny sont là pour témoigner avec bonheur que tu as su, au moins deux fois dans ta vie, traiter tes sujets avec profondeur.
Nous avons avec nous, tes descendants et talentueux instigateurs de cette soirée d’anniversaire, qui prouvent que tu as réussi dans ton existence un tirage exemplaire numéroté 2/2 !
Mon cher et inestimable Gérard, nous te souhaitons tout l’Amour que tu mérites et que tu caches dans chacune de tes photos avec une telle délicatesse. En attendant de rencontrer cet amour immense et rare, que j’ai personnellement rencontré et aux côtés duquel je m’abreuve chaque jour, il te faudra continuer de te servir de ton index droit, pour offrir au monde ce regard si unique et si noble qui parle si bien de toi. En attendant, il faudra que tu goûte sans mesure à ce que nous avons tous à t’offrir sans compter : notre immense admiration et notre indéfectible amitié.
Alors mon Gérard, nous sommes tous si heureux d’être là, pour ce qu’il convient d’appeler tes 60 ballets. On peut maintenant amener le gâteau qui sera sans nul doute un Opéra illuminé de 60 bougies. Tu pourras toujours souffler dessus, elle se rallumeront sans cesse, comme ces photos enflammées d’amour que tu as planté, pour toujours, au fond de nos rétines pour atteindre la cible de nos cœurs avec la fléchette de ton humanité.
Bon anniversaire Gérard !