Pour ceux qui s'intéressent à la VOD et à des choses plus sérieuses que mes ordinaires blagues de potaches, calembours en tout genre et aphorismes quotidiens, voici l'interview très sérieuse (et très remontée!) que j'ai donnée au journal 20 minutes à la suite du projet d'amendement dans la nouvelle loi de finance, "pondu" par une députée (Marie-Hélène Des Esgaulx) qui visiblement ne connait pas grand chose à son sujet. Elle vise à taxer de 2% les recettes publicitaires des sites de VOD. Bref, à part la manifestation fiscale d'une profonde méconnaissance de ce monde économique en pleine émergence, on pourrait devenir un tantinet parano et se demander d'où lui vient cette drôle d'idée et aux ordres de quel lobby s'est-elle mise ? Bref, voici ma réponse Marie-Hélène...!
On ne taxe pas un bébé dans sa couveuse!
Que pensez-vous du projet de taxer les sites de Vidéo à la demande?
Il faut arrêter de vouloir tuer dans l’œuf une industrie qui a du mal prendre son envol face à une industrie déjà établie (comme le cinéma physique et la vidéo). Surtout face à la montée du piratage. C’est quand même aberrant: on veut menace de frapper au tiroir-caisse ceux qui essaient de faire émerger une offre légale avec un modèle économique qui se cherche. On ne taxe pas un bébé dans sa couveuse. Laissons le grandir. Quand il saura gagner sa vie, on pourra le taxer.
Gagner votre vie… Vous en êtes loin?
Dans le meilleur des cas, le marché estimé de la vidéo à la demande VOD en France, représente 2% du marché de la vidéo (du dvd). Fin 2007, cela représente 30 millions d’euros, que se partagent 40 plateformes en France. C’est le marché le plus concurrentiel en Europe , le plus difficile. Dans ce marché en devenir, nous sommes tous dans des phases d’investissement qui coûtent très cher. Les pertes pouvant représenter jusqu’à trois fois et demi le montant du chiffre d’affaires. On paie déjà une taxe audiovisuelle au même titre que les DVD pour financer la création audiovisuelle. Si c’est pour taxer encore plus…
Entre le texte et les déclarations de la député, on sent un
flottement. Elle envisage de taxer la publicité sur les sites, puis
ceux de VOD payante. Sur votre site, il n’y a pas de pub pourtant…(www.vodeo.tv)
On
ne met jamais de pubs sur une œuvre payante. Si on met de la publicité
sur nos sites, c’est pour financer les coûts de promotion, comme les
bandes-annonces, de bande passante et de mise en ligne des œuvres. On
essaie par tous les moyens d’inventer des méthodes pour essayer
d’éviter les pertes.
Si un tel texte est finalement approuvé, quelles peuvent être les conséquences pour votre industrie?
Tout
simplement de décourager tout nouvel entrant et nouvelles plateformes,
notamment celle qui s’intéressent à la distribution de films de cinéma.
Pour les petites structures en devenir qui pourraient proposer des
offres alternatives aux gros du secteur, une taxe alourdit les
capacités de décollage. Ceux qui vont s’en sortir sont donc ceux qui
déjà gros, comme TF1 et Canal+, et qui ont les moyens de payer cette
taxe. Ce genre de texte encourage ceux qui se lancent dans la diffusion
gratuite — et qui pour l’instant ne génère pas assez de publicité pour
parvenir à leur point d’équilibre — ceux qui pensent que pour monter
une entreprise dans ce secteur, il vaut mieux aller à l’étranger.
Recueilli par Johan Hufnagel
20Minutes.fr, éditions du 12/12/2007 - 15h13
dernière mise à jour : 12/12/2007 - 15h47