Le monde de l'Internet, dans lequel j'évolue depuis maintenant dix ans, ne cessera décidément jamais de me surprendre...
J'ai découvert un site consacré exclusivement aux WC du monde entier ! Yes, les Water Closed... Allez, le voir cela vaut le déplacement comme ils disent au Michelin. Un site trois étoiles, drôle et impertinent, sur un sujet tabou que l'on fréquente tous pourtant assidument.
Alors, en hommage à ces gens qui ne se prennent pas au sérieux et qui voient l'humanité par le petit bout de la lorgnette, voilà un petit texte écrit il y a quelques années sur un drôle d'accessoire, dont le maniement reste malheureusement trop ignoré: le balai à chiotte !
Le balais à chiotte attend inflexible la sollicitation du client indélicat, figé tel un domestique en sa servile rectitude.
Inexorablement planté entre l’huis et la plainte, coiffé en brosse comme le vigile de la propreté, le militaire de corvée aux cheveux courts et idées drues.
Raide et vulgaire, discret et impassible, il patiente dans l’ombre d’un cabinet de toilette, tout entier dédié à son unique vocation de fouille merde, de « reluiseur de cuvette », espérant qu’on vienne l’extraire de son récipient fangeux, pour le plonger dans l’eau claire d’un « vécé ».
Tournant sur lui-même, grattant, récurant en une suite de mouvements circulaires, décapant, frottant et nettoyant avec la conscience aléatoire que lui impose son bras droit, il polit la blanche faïence pour la débarrasser de sombres et douteuses traînées de fiente.
Il existe chez les balais à décrotter une subtile hiérarchie, non pas que leur rang provienne d’une quelconque particule de noblesse ou que leur appartenance à une maison de haut standing permette d’en déduire le moindre lien aristocratique. Le distinguo qu’il convient d’effectuer entre les différentes brosses à récurer les étrons ne se fonde donc pas sur une lignée ataviquement transmise de balais en balais tout au long des générations – puisque comme chacun sait les plumeaux à caca ne se reproduisent pas !
Cette scission s’établit entre balais à chiottes publiques et balais à chiottes privées.
Les premiers, manants et roturiers, vivent dans la crasse de bistroquets insalubres ou dans des restaurants douteux, où les toilettes sont l’indice de propreté que l’on attend des cuisines. Ce sont des balais abandonnés à l’illusoire espérance de la salubrité publique, tapis dans la pénombre d’un tuyau d’évacuation, observant les hésitations titubantes de la biroute éméchée, craignant de prendre la douche avant de prendre le bain, spectateurs secrets de scènes pornographiques ou scatologiques inavouables, croquant les desseins diurétiques de lèvres indiscrètes, s’effrayant d’un fessier écartelé et débordant, mélomanes insensibles aux mélodies ostensibles des pétomanes solitaires, les balais à chiottes publiques notent ce qu’ils entendent sur des feuilles de papier au bout du rouleau.
Souvent lâches et déserteurs, les balais des lieux publics sont absents quand la « bien séance » vous pousse à vouloir en user.
Lorsqu’il est présent, on ne le remarque qu’à la fin, en découvrant qu’il nous a observé, complice et voyeur, rêvant de décrocher la lune, siégeant à côté du trône tel un courtisant anonyme.
Quand il voit, en certains lieux vétustes, le client accroupi en une pose ridicule, les cuisses bandées en d’inconfortables accoudoirs, pour ne pas basculer en arrière, priant tous les dieux que son pantalon soit, comme lui, assez baissé ; quand il voit le client chiant à en sourire, comment ne le prend-il pas pour sa tête de Turc ? …
Et puis il y a les balais à chiottes privées, valets privilégiés et égoïstes, serviteurs dévoués masquant leur dévotion exclusive derrière le fameux adage : « à chacun sa merde… ».
Ne reconnaissant que leur maître, ils sont peu sollicités parce que le salisseur compte souvent sur l’érosion aquatique naturelle pour effacer les traces de son indésirable passage.
Le balai privé se veut l’accessoire essentiel, se targuant de son indéfectible présence, il vieillit sans changer de toilette, de son époque de plastique impeccable à sa retraite de balai poivre et selle, il assume son service sans un mot, plongeant sa chevelure afin de proposer une solution aqueuse aux chiures mouchetées.
Cousin du bidet, ami du lavabo complètement siphoné, il perd sa place quand il va à la chasse, il trépigne dans l’immobilité lorsque la cataracte se termine par une interminable fuite d’eau. Bref, il se distrait comme il peut, en rêvant de devenir un jour l’objet de compagnie que la brosse militaire a le privilège d’être.
Servile et silencieux, il souhaiterait tant ne pas être en pet, tout au long de son existence idiote, le singulier balai privé s’emmerde…
Foncez voir le site Baignade interdite: http://www.baignade-interdite.com
quel lyrisme, presque le même style que toi ! Je ne prendrai plus jamais mon balai brosse avec insouciance ! mais dis-moi, comment trouve-t-on un site pareil ? En tapant balai brosse sur google ?
Rédigé par : marina | 30/01/2005 à 11:31