Mes si chers amis,
Bien sûr, il y a les bigorneaux ramassés en famille sur les plages du Nord.
Il y a la femme que l’on espère, tout en se consolant dans le corps des autres femmes en perdition.
Il y a les vibrations fébriles d’un jour de l’an citadin où résonnent encore le tintamarre des bouteilles, des cornes à musique et des solitaires qui ne peuvent contenir le cri rauque de leur solitude accumulée.
Il y a ceux qui lisent les blagues dans les papiers de carambars et ceux qui rechignent à tremper leur tartine dans le chocolat du petit matin.
Il y a tous ces réveils aux aurores, pour assister émerveillé aux premières lueurs de l’aube ou pour s’acharner avant les autres à vouloir changer le monde, à en dérober une part plus lucrative.
Il y a les trains de la nuit qui nous mènent dangereusement vers d’improbables banlieues.
Il y a les amis qui s’épuisent à recherche des poètes au travers de la toile digitale en s’obstinant sur une mauvaise orthographe (Guy…Goffette), vilipendant les Dieux, persuadés qu’ils ont abandonné la Poésie au profit de Loft story.
Il y a tout ce que l’on fait pour remplir le temps qui passe, pour oublier la mort, le manque d’amour, l’orgueil, la vanité excessive des moments glorieux et la peur des défaites secrètes. Alors on boit, on soliloque, on s’escrime à devenir meilleur, on se reproduit faute de pouvoir se cloner, on se transporte, on va comparer la vie des autres au bout de la planète, on s’isole ou bien l’on se dilue dans l’existence et l’exigence des autres, de tous ces autres qui finissent par faire de nous…un autre.
Il y a les amis que l’on ne voit jamais assez lorsque l’on broie du noir au détours des nuits blanches alors que certains nous en font voir de toutes les couleurs
Il y a toutes ces nouvelles qui dégoulinent de nos téléviseurs, braquant nos consciences aiguisées vers davantage de névroses et d’envies de décrocher tant ce monde va vite et se perd.
La Terre tourne plus vite qu’avant et les hommes aussi. Le culte de la vitesse nous rattrape parce qu’il va infiniment plus vite que notre capacité à déchiffrer les choses. Alors on court sempiternellement en espérant prendre son temps, rapidement…
Il y a les huîtres gaffeuses qui ne peuvent s’empêcher de faire une perle dès qu’elles se mettent à l’ouvrir pour disserter sur la pluie et le beau temps.
Il y a la pleine lune, travestie en soleil nocturne qui jette sur les ombres des cotillons de neige et de pales étoiles.
Il y a le père Noël qui s’est fait enguirlandé par sa femme. « Il faudra qu ‘elle rachète de la lessive, il a encore joué au ramoneur, ce n’est plus de son âge, et puis cet accoutrement… ». Je sais, j’étais là !
Il y a les 365 cigares que l’on a fumé l’an passé, à chaque jour suffit sa peine, et sa part de bonheur.
Il y a surtout toutes les bouteilles que l’on a pas encore ouvertes et qui nous interpellent déjà en promesse d’un fragment de paradis. Tintement de cristal que je dédis aux femmes afghanes, au marins assassinés, aux victimes de fanatiques de tout bord, du fond de mon luxueux confort occidental. Puisse
la Romanée Saint-Vivant
nous apporter un surcroît d’humanité et la minéralité des sursauts de conscience.
Il y a enfin les enfants qui font de nous des Rois, alors que nous ne sommes que vassaux arpentant dans nos rêves nos châteaux en Espagne. Mais pour eux, pour cette lueur que l’on croit discerner au fond de leur regard quand il s’endorment vaincus par leur jouets en pagaille, pour eux et pour ce qu’il vont devenir, on mange la galette en trichant pour s’adjuger la fève et revêtir la couronne imaginaire des Papas invincibles.
Je vous souhaite à tous et surtout à chacun des tigres indomptables, la sérénité de certains Ermitages, la volonté de changer de Monde, l’amour que vous méritez, la douceur des jours madrilènes, de longues soirées tunisiennes, une vie nouvelle pour certains, de grandes décisions pour d’autres... Et pour tous, je nous souhaite de savoir gagner ce surcroît de sagesse qui n'arrive qu'au crépuscule de la vie, ce petit brin de tolérance et d'amitié qui nous unit mais qui, si nous le cultivons, nous fera mieux accepter ou aider ceux qui en ont parfois tant besoin au fond de leur solitude. A l'amitié. Si rare. Si forte. Si humaine. "Nous ne sommes rien, c'est ce que nous cherchons qui est tout !"
Frédéric Pie
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